Monsieur le Ministre de l’Intérieur, en pronant la l’égalisation générale…
En tant qu’auteur-essayiste libre et indépendant ne représentant aucun parti politique, je souhaite vous interpeller aujourd’hui sur le sujet crucial du trafic illégal de drogue dans notre pays.
Depuis trente ans, j’aurais déjà pu le faire auprès de vos prédécesseurs qui, comme vous, ont tenté de le combattre.
Tandis que la police s’use quotidiennement à la tâche avec de plus en plus de difficultés, le phénomène s’est accru chaque année pour devenir endémique et résistant.
Tellement résistant que la tâche policière s’avère désormais contreproductive, générant à chaque intervention des émeutes et affaiblissant l’image républicaine de nos institutions fondamentales, notamment le respect de l’ordre dont vous avez la charge.
À cet égard, mon intervention sera double : d’une part en prônant la légalisation, d’autre part en évoquant la piste du « raisonalisme ».
Le rapport entre la légalisation et le projet raisonaliste, que j’ai exposé dans mes deux précédents articles, réside dans le fait que l’illégalité serait bien moins profitable avec le raisonalisme économique grâce à la limitation graduée de l’enrichissement, théorie que j’ai développée notamment dans mon dernier essai « Homicide marchand » aux éditions BoD, qui empêcherait un acteur d’être trop puissant financièrement sur l’ensemble de la chaîne humaine impliquée. En effet, le contrôle a priori du patrimoine d’un individu – à l’heure de la dématérialisation croissante de l’argent – faciliterait et simplifierait fortement le repérage et la prévention judiciaire, là où aujourd’hui nous devons attendre des interpellations hasardeuses et des procédures nombreuses.
Pascal Perri, éminent journaliste français spécialisé en économie, vient de préconiser la légalisation de la drogue en France lors d’un récent « Parti Pris » le 16 avril 2025 sur la chaîne d’informations LCI (* voir en bas d’article le lien sur le réseau X). Sa collègue Abnousse Shalmani, spécialiste de l’international, a précisé pour sa part que seule une légalisation de l’ensemble des drogues serait efficace.
Comme d’autres hauts responsables, y compris au sein même de l’administration de votre ministère, ils dénoncent la prohibition absurde actuelle.
La seule voie possible pour véritablement traiter ce sujet gravissime est en effet la légalisation de tous les produits actuellement illicites vendus par le narcotrafic, et je vais développer en dix points les éléments qui plaident pour cette nécessaire et urgente légalisation.
1. La prohibition ne fonctionne pas, puisque le marché de la drogue est prospère et croît chaque année sans fléchir depuis plusieurs décennies quelles que soient la force et la nature du combat mené.
2. Les produits vendus ne sont contrôlés par personne, tandis que par exemple le tabac ou l’alcool, également dangereux mais légalement en vente, sont sous la houlette de l’État.
3. Les transactions clandestines ne sont soumises ni à la TVA ni à l’impôt, et les acteurs du marché échappent totalement aux prélèvements sociaux liés au travail.
4. Aucun conseil, aucune orientation ou restriction sanitaires ne sont fournis aux consommateurs, ce qui en aggrave les conséquences néfastes.
5. La persistance d’un marché illégal facilite la prolifération des réseaux de délinquance, en les élargissant à d’autres domaines.
6. L’État de droit disparaît dans de nombreux quartiers, au profit de réseaux intégristes ou mafieux armés.
7. Le manque à gagner financier de ce marché noir pour l’État est considérable, sans oublier le coût des interventions policières de plus en plus périlleuses, avec leurs dégradations matérielles concomitantes.
8. Les services de police, débordés et dépassés par ces trafics, doivent y sacrifier beaucoup d’autres tâches sociales qui leur incombent.
9. Cette situation oblige indirectement le consommateur de drogue à prendre des risques en allant se fournir dans des endroits incertains auprès de vendeurs en marge de la société, cautionnant ainsi une mainmise insécuritaire que nous prétendons par ailleurs combattre.
10. Enfin, l’interdiction actuelle empêche toute politique sanitaire qui pourrait orienter la consommation de drogue vers les plus douces d’entre elles voire des produits plus inoffensifs, même si la récente autorisation du cannabidiol (CBD) semble donner un signal en ce sens.
Si notre objectif commun est une consommation moindre de produits stupéfiants dans le pays, que cette consommation soit sûre tant sur le plan sécuritaire que sanitaire, que l’économie afférente quitte la clandestinité pour alimenter le budget de l’État plutôt que les réseaux de délinquance, et que des quartiers entiers de banlieue retrouvent un équilibre social, alors la légalisation du marché de la drogue est requise de toute urgence.
Elle engendrera une phase policière de réappropriation de nombreux territoires de notre pays, après que cette légalisation aura coupé les ressources financières majeures aux réseaux qui en vivaient.
Votre nouveau travail en la matière, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, consistera alors à rétablir l’ordre perdu, vous permettant ensuite de consacrer la lutte policière aux recoins où la mafia tentera de se replier, ce qui lui sera d’autant plus difficile désormais que tous les produits stupéfiants auront été légalisés.
En espérant que vous voudrez bien porter attention à cette proposition étayée, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, l’expression de ma respectueuse considération.
Gustave TATOUCHE
Auteur essayiste
* Lien réseau X : https://x.com/24hPujadas/status/1912565641271259428?t=H1HGinNbYgHsT5E8m4aiWQ&s=19
Post-scriptum : J’ai souhaité donner à ce troisième article de la chronique « Voyage au cœur des idées » du magazine Top-outremer la forme d’une lettre ouverte adressée au Ministre de l’Intérieur. Le prochain article reprendra sa forme habituelle.
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