PROPOSITIONS DE LA FEDOM POUR LES ELECTIONS LEGISLATIVES 2024

 
_________
 
À l’attention des responsables des partis politiques
Et des candidats ultramarins aux élections législatives
Paris, le 20 juin 2024
Madame, Monsieur,
À la suite des élections européennes et de la dissolution de l’Assemblée nationale par le
Président de la République, les Français sont de nouveau appelés aux urnes. Les élections
législatives se tiendront les 29 et 30 juin puis les 6 et 7 juillet 2024. Dans ce moment, nous
souhaitons vous faire part des priorités de la Fédération des Entreprises des Outre-Mer
(FEDOM) pour garantir l’essor des entreprises ultramarines et le développement social et
économique de nos territoires. Nous sommes à votre disposition pour vous rencontrer et vous
exposer plus en détail nos priorités, dès maintenant, et naturellement au lendemain du scrutin.
Quelle que soit l’issue du scrutin, la réussite du prochain Gouvernement et de sa
majorité ne pourra pas se faire sans celle des Outre-mer, l’épanouissement de leurs habitants,
et le succès des entreprises ultramarines. Partie intégrante de l’ensemble national, la France
océanique présente une diversité et une richesse patrimoniale, naturelle et humaine, aussi
exceptionnelle que fragile. Elle constitue autant d’atouts aujourd’hui érodés par une
accumulation de crises économiques, sociales, environnementales ou institutionnelles qui
affaiblissent nos entreprises, principaux leviers de création de valeur ajoutée et d’emploi. Les
chiffres récents de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer sur les défaillances
d’entreprises sont particulièrement inquiétants : dans les Outre-mer, elles ont augmenté de
34,2% en 2023 (51,9% en Martinique et 58,3% à la Réunion). En Nouvelle-Calédonie, en proie à
une crise majeure, les chiffres des défaillances qui seront constatés en 2024 seront historiques.
L’économie calédonienne déjà fortement dégradée avant les émeutes par la crise
majeure du secteur du nickel, est aujourd’hui au bord du gouffre, cumulant la destruction de
très nombreuses entreprises, le gel des outils de production, la disparition directe de milliers
d’emplois et la perte de confiance des investisseurs. La relance de l’économie calédonienne doit
être une priorité absolue. Le travail de reconstruction est considérable. Il sera indispensable de
mettre en place des garanties bancaires, assurantielles et fiscales pour restaurer un climat de
confiance permettant aux calédoniens, aux entreprises et aux investisseurs de se reconstruire
et de maintenir leurs activités sur le Caillou.
2/4
Le contexte d’ensemble des Outre-mer doit appeler celles et ceux qui seront en
responsabilité dans les prochaines semaines à la plus grande vigilance.
La prochaine législature devra se consacrer à apporter des réponses opérationnelles et
lisibles. Si ce temps n’est pas utilement employé, nous risquons d’assister au décrochage des
Outre-mer, de consolider le sentiment de « largage » qui empoisonne une partie de la vie
politique et de créer le terreau de nouvelles crises majeures.
Loin des débats institutionnels qui ont trop tendance à occulter l’essentiel des
difficultés, nous vous interpellons donc sur les trois thématiques communes à chacune des
collectivités ultramarines, qui appellent de votre part des engagements forts.
I. Renforcer le dialogue et la concertation préalables dans le partage des diagnostics, la
définition et la mise en œuvre des politiques publiques
Le premier prérequis au développement économique est la construction d’une relation
plus mature entre l’État, les collectivités territoriales et le monde économique ultramarin. Cela
passe par des politiques publiques davantage concertées, un dialogue fluide et constant autour
des études d’impact puis des missions d’évaluation. Les entreprises y sont prêtes.
En cohérence, nous demandons une loi-programme pour le développement
économique des Outre-mer afin de porter, dans une pleine concertation des acteurs concernés,
non seulement une ambition, des engagements et des mesures sur plusieurs années, mais
également leur traduction chiffrée, c’est-à-dire les moyens de les mettre effectivement en
œuvre. Tous les acteurs sauront ainsi précisément dans quel cadre ils peuvent et doivent agir
pour assurer le développement des territoires. Nous sollicitons, en parallèle, une association
effective et institutionnalisée des partenaires économiques à la définition et au suivi des
politiques de contractualisation État-collectivités locales.
Nous rappelons aussi la nécessité de mieux adapter les cahiers des charges des appels à
projets ou des appels à manifestation d’intérêt (type France 2030) à la maille des entreprises
des DROM-COM afin de donner toutes les chances possibles à nos PME et nos ETI industrielles
d’y répondre pour pouvoir engager la transformation de leurs appareils de production.
Ces points sont le gage d’une meilleure adéquation entre la stratégie de
développement économique proposée et sa mise en œuvre par les acteurs. Ils forment le socle
d’une appropriation effective des enjeux communs, notamment ceux relatifs aux transitions
énergétiques et écologiques, et donc de la réussite des Outre-mer.
II. Garantir les conditions de la compétitivité des entreprises pour favoriser la création
de valeur et l’emploi
Le malaise économique et social, c’est d’abord celui qui résulte du chômage, en
particulier celui des jeunes. C’est le malaise qui résulte de l’absence d’horizon et d’espoir, celui
d’un assistanat qui humilie. Le développement de l’entrepreneuriat Outre-mer par le
renforcement des dispositifs en faveur de la création et de la reprise d’entreprise est un
élément de réponse important ; il doit constituer un axe fort des politiques publiques dans un
contexte où le poids de l’économie informelle reste élevé. En outre, le rôle de « formateur » du
chef d’entreprise doit être valorisé et appuyé, ce qui suppose de maintenir une politique
attractive de soutien à l’apprentissage. Le malaise est aussi celui qui résulte de la fuite des
compétences et de la grande difficulté à retenir sur les territoires les jeunes cadres diplômés
indispensables. Pour mieux se structurer face à leurs concurrentes internationales, pour
3/4
innover, pour permettre la montée en gamme des productions, les entreprises ultramarines ont
besoin d’embaucher et de conserver leurs personnels les mieux formés et les plus performants.
Aussi, toute remise en cause du dispositif d’exonération de cotisations patronales mis
en place dans les Départements et Régions d’Outre-mer, ainsi qu’à Saint-Martin et Saint-
Barthélemy (LODEOM sociale), qui constitue le premier soutien à la compétitivité de nos
entreprises, et le principal dispositif de développement de l’emploi privé, freinerait la
dynamique de l’emploi Outre-mer et entraînerait par ailleurs des conséquences néfastes sur la
vie chère. À titre d’exemple, pour le secteur de l’hôtellerie, une étude réalisée fin décembre
2022 par KPMG a démontré qu’en moyenne, la masse salariale pèse 42% du chiffre d’affaires
des hôtels aux Antilles françaises et 40% à La Réunion, contre environ 30% en Métropole et
14% sur les îles des Caraïbes voisines des Antilles françaises.
Souvent mal compris et souffrant parfois de critiques non fondées, les dispositifs
d’incitation fiscale à l’investissement Outre-mer ont prouvé leur efficacité pour permettre aux
entreprises de faire évoluer rapidement leur appareil productif afin de monter en gamme, de
s’adapter à de nouveaux marchés et créer davantage de valeur ajoutée et d’emplois qualifiés et
durables. Dans un contexte ultramarin marqué par un accès structurellement restreint à de
bonnes conditions de crédit, nous plaidons pour que ces outils de financement soient confortés
dans leurs grands équilibres actuels, et renforcés pour permettre le financement des
investissements contribuant à la transition écologique, à la décarbonation de nos économies et
à la transition énergétique (réhabilitation et rénovation de friches, rénovation et réhabilitation
du logement, éligibilité aux aides fiscales des biens industriels reconditionnés, assouplissement
des conditions d’éligibilité de l’aide fiscale pour le photovoltaïque, encouragement au
développement des serres photovoltaïques agricoles…).
Nous rappelons que les 11 collectivités ultramarines sont directement exposées à la
concurrence de leur environnement régional. Cela se vérifie tant pour les secteurs traditionnels
tels que les industries touristiques ou agroalimentaires, que pour les secteurs émergents et
prometteurs que sont l’économie de la santé, l’économie bleue, le numérique, les transitions
écologiques et énergétiques. C’est à la lumière de cette réalité et des contraintes structurelles
fortes auxquelles elles sont confrontées (en particulier l’éloignement, l’isolement, les risques
naturels majeurs et les micromarchés) que doivent être appréciées les politiques publiques
conduites dans les Outre-mer. C’est la raison pour laquelle la FEDOM reste attachée aux
dispositifs d’appui à la production locale (différentiel d’octroi de mer, POSEI, …), les projets de
réforme envisagés sous la législature actuelle n’ont à cette heure pas apporté de garantie
d’amélioration de la situation pour les entreprises.
III. Soutenir l’activité économique et l’emploi, adapter les normes et simplifier la vie de
l’entreprise
Alors que les territoires ultramarins connaissent les taux de chômage, en particulier
chez les jeunes, les plus importants de France, la FEDOM rappelle que la croissance de l’activité
est le premier créateur d’emplois et une réponse essentielle à la vie chère. Or, une importante
partie de l’activité économique, qui Outre-mer dépend en grande partie de la commande
publique, est aujourd’hui bridée par la complexité des procédures administratives et juridiques
et les délais de paiement excessifs des collectivités territoriales et des hôpitaux.
4/4
Les secteurs très dépendants de la commande publique, comme les services ou le BTP
illustrent particulièrement bien ces enjeux. Le secteur de la construction essuie de plein fouet
la crise du logement et de la commande publique, tout en étant entraîné dans le cercle vicieux
des délais de paiement : manque de trésorerie, pénalités de retard, défaillances d’entreprises,
faillites, liquidations judiciaires et destructions d’emplois. Cette situation n’est pourtant pas une
fatalité. Des solutions ont été étudiées et proposées : faire du délai global de paiement excessif
des collectivités locales un cas d’ouverture par le préfet du contrôle budgétaire par la Chambre
régionale des comptes, faire procéder de manière automatique par le comptable public au
calcul et au mandatement d’office des intérêts moratoires et de l’indemnité forfaitaire,
poursuivre le « name and shame » en publiant les délais de paiement des collectivités de moins
3500 habitants, réfléchir, pour l’hôpital public, à une forme d’affacturage inversé couplé à la
mise en place d’un fonds de garantie qui pourrait être en partie alimenté par les principaux
acteurs concernés.
Nous appelons à ce que ces propositions soient enfin mises en œuvre.
Vous l’aurez compris, Madame, Monsieur, à la lueur de tant d’orages, les entreprises
ultramarines ont besoin d’un cap clair, de politiques publiques ambitieuses, stables et lisibles
dans le temps, leur garantissant les meilleures conditions de croissance, d’embauche et de
transformation.
Espérant avoir pu attirer votre attention sur la nécessité absolue que l’État s’engage
rapidement et fortement pour la réussite de nos Outre-mer, de ses habitants et de ses
entreprises, nous nous tenons à votre disposition pour échanger plus longuement sur ces
problématiques.
Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de notre très haute
considération.
Hervé Mariton
Ancien ministre
Président de la FEDOM

Laissez un commentaire

Assurez-vous d'indiquer les informations obligatoires (*).
Le code HTML n'est pas autorisé.

Aller au haut